Ce zome a été construit pour le "Camp des Gardiens de la Terre"
Interview de Léa Cintas, alias Perle de Lune, la gardienne du zôme, juin 2018.
Qu'est ce que le camp des
gardiens de la terre ?
Le Camp des Gardiens de la Terre est un hommage aux peuples
amérindiens. Je suis une jeune femme de 29 ans, spécialiste de la culture
amérindienne et je développe des activités ludiques, pédagogiques et sportives
pour promouvoir cette culture. Lorsque je suis dans mon tipi, je suis « Perle de Lune », fille du grand chef « Loup
Gris » et de « Fille du soleil », je suis la gardienne du « Camp des Gardiens de la Terre ». L’été, je suis nomade, je monte
mes tipis et mon décor au sein des festivals pour offrir l'occasion aux
familles de se divertir tout en apprenant les rudiments de la culture des
amérindiens (vie au feu de bois, respect d’autrui et de l’environnement, artisanat...).
L’hiver, je retourne à mon camp de base à 2100 mètres d'altitude, sur les
hauteurs d’une station de ski où j’accueille le public au milieu des pistes.
L'enjeu du Camp des Gardiens de la Terre est de permettre aux visiteurs de se
déconnecter du monde actuel et de vivre une expérience inoubliable sur les
traces des natifs américains.
Quelles sont les activités
proposées sur ce camp ?
La première expérience est de se choisir un nom indien avec son animal
totem ou un élément de la nature, s’en suit la métamorphose : peintures
sur le visage, ponchos en cuir, coiffes de plumes... Chacun peut ensuite
s'initier à l’utilisation d'objets traditionnels ou à des jeux d’adresse. Dans
le tipi, il y a aussi tout un espace dédié à la pédagogie à l’environnement
(reconnaissance des traces d’animaux, découverte des fourrures, des ossements…)
et une zone détente autour du feu, où les skieurs peuvent profiter de boissons
chaudes et d'une bibliothèque indianiste. Je mets également à leur disposition
les actualités des différentes organisations de défense des droits des peuples
indigènes (Survival, Planète amazone, Standing rock…).
Quels sont les tarifs des
activités proposées ?
Il n'y a pas de tarifs fixés. Les personnes donnent ce qu’elles
veulent, c'est sur donation, à prix libre, ainsi les activités sont accessibles
à toutes les bourses. Je considère que suivant le niveau de vie, le temps passé
dans le camp, les différentes activités réalisées et la fréquence des visites,
on est à même de juger du prix. Certains jouent le jeu, d’autres moins... Au
final, j'arrive à m'en sortir financièrement, surtout grâce au campement
d'hiver, et je suis gagnante toute l'année car chaque rencontre est
enrichissante sur le plan humain !
Pourquoi le Camp des Gardiens de
la Terre a-t-il besoin d'aide ?
On doit s'adapter au dérèglement climatique. En 2016, le campement a
dû être déménager à cause du manque de neige et nous nous sommes installés dans
un endroit certes magnifique mais malheureusement plus exposé aux intempéries.
Les 2 derniers hivers ont été très durs, nous avons subi plusieurs
tempêtes, avec des vents à plus de 200km/h qui ont arraché successivement 3
tipis, détruisant une grande partie du décor et réduisant à néant mes
économies. Je suis dans une impasse concernant le grand tipi d'accueil (10
mètres de diamètre et 9 mètres de haut) sur ce camp. Si je remets un tipi en
toile, il risque d'être détruit une fois de plus à la saison prochaine, ce qui
signifie retrouver les livres et les parures en peau et en plumes sous la neige,
perdre un mois de saison et repayer une toile (6 à 8000 euros)... Mon père « Loup Gris », qui vient de partir à la retraite, a monté ce camp il y a
15 ans pour faire vivre les mœurs amérindiennes à Courchevel. Il serait
vraiment triste que tout s'arrête. Le campement d'hiver a donc besoin de
s'équiper d'une structure solide pour ne plus risquer de voir cet univers
anéanti par les tempêtes.
Qu'avez vous décidé de faire
pour sauver le camp des gardiens de la terre ?
Je veux réaliser un zôme (mélange de tipi et d’igloo) en bois et en
toile. J'ai toujours réalisé mes structures d'accueil en auto-construction,
mais ce projet là me paraissait trop complexe pour le réaliser seule. Les
premiers devis que j'ai demandé m'annonçaient un budget minimal de 100 000
euros pour un zôme de 50 m², c'était inaccessible. Cet hiver, par le biais d'« Aigle des neiges », un ami moniteur de ski, j’ai
rencontré l'équipe « de Bulles
en Bulles ». Ils ont passé du
temps au Camp des Gardiens de la Terre et m’ont convaincu qu'ensemble, nous
pouvions construire ce zôme. Assez rapidement, une troupe d'indiens aux talents
complémentaires s'est formée (designer, charpentier, zingueur,
constructeur...), tous les éléments se sont rassemblés pour rendre la
réalisation de ce projet possible.
Qu'est ce que « de Bulles
en Bulles » ?
« De Bulles en Bulles » est une association loi 1901
créée en 2009 pour promouvoir les modes de vie et de production durables. En
pratique, l'association est incarnée par des individus qui souhaitent mettre
leur énergie au service de projets alternatifs, innovants et harmonieux.
Elle est née lors d'un voyage en Afrique autour de l'agriculture
biologique. Depuis, elle propose des ateliers et s'implique dans des projets à
forte valeur humaine, dans une logique de solidarité et de don. Elle soutient
des initiatives diverses et variées au fil des rencontres : distribution de lampe à recharge manuelle en Afrique, atelier
d'initiation à l'extraction traditionnelle d'huile de palme au Costa Rica,
fabrication de fours solaire ou à bois (double combustion, technologie
rocket...), réalisations permaculturelles et plantation d'arbres, promotion de
la biodiversité et de la mise en réseau des alternatives, projet d'un village
de cabanes dans la nature ardéchoise...
L'association n'a pas de salariés et fonctionne grâce à l'implication
bénévole de ses membres.
Pourquoi un zôme?
C'est une structure solide et aérodynamique qui pourra faire face à la
neige et aux vents violents auxquels elle sera confrontée. Le zôme est
construit par un assemblage de losanges aux côtés de mêmes longueurs. Sa forme
est esthétique et proche de celle du tipi et sa charpente dessine un attrape-rêve,
qui est le symbole d'unité des peuples amérindiens. De plus, c'est un édifice
voûté qui a la réputation d'être énergétiquement très puissant et qui
contribuera au dépaysement offert par l'ambiance authentique du Camp des
Gardiens de la Terre.
Pouvez vous nous parler un peu
plus de ce zôme ?
Le premier défi a été de faire naître ce projet d'auto-construction
sans aucun budget de départ et dans un délai extrêmement court.
Le logiciel libre « zome
dome et cie » mis en ligne par
l'association ardheia nous a permis
d'esquisser ce zôme. Nous avons ensuite construit notre zôme sur un logiciel
3D, ce qui nous a permis d'obtenir les plans de toutes les pièces (bois et
toile) nécessaire à notre construction et de nous confronter aux problématiques
techniques liées au montage. Ce travail nous a par ailleurs permis de constater
à quel point le logiciel « zome
dome et cie » est pertinent !
Pour les matériaux, nous avons choisi d'utiliser du bois local et
naturellement résistant (sans traitement) aux conditions climatiques extrêmes
auxquelles il sera exposé (mélèze pour l'ossature et pin douglas pour le
bardage). Le bois brut, sorti d'une scierie voisine, sera travaillé en atelier
par nos soins pour former les losanges de la charpente : 7 rangées de 12 losanges viendront s'empiler en spirales
pour former un zôme de 8,5 mètres de haut et de 50 m² au sol.
C'est au total 8 tonnes de bois brut que nous allons raboter et
façonner pour bâtir cette incroyable structure !
Des puits de lumières en plexiglass seront installés et une toile
(rappelant celle du tipi) ainsi qu'un chapeau en zinc viendront assurer
l'étanchéité du zôme. Afin de limiter l'impact environnemental et de garantir
la résilience du lieu, il est indispensable que le zôme soit démontable. La
toile sera donc fixé grâce à des bandes Velcro® spécial construction.
A 2000 mètres d'altitude, nous sommes en présence d'un écosystème
fragile. Ainsi, pour les fondations, nous avons opté pour une technologie
canadienne (Technopieux®) qui ne nécessite pas d'excavation et respecte ainsi
la terre et l'environnement.
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